mardi 30 décembre 2014

L'éternel recommencement

 Je m'apprête à vous quitter pour quelques jours: je n'ai nulle intention de donner un coup de volant ni à droite ni à gauche me souhaitant seulement de rester sur la route !!!
Je vais vous souhaiter un heureux réveillon et mes voeux vous arriveront à mon retour. Une suggestion toutefois... partager avec moi l'écoute du concert de Noël à Vienne; celui de 2015 promet d'égaler les précédents et commencer l'année avec les valses de Vienne est toujours pour moi une recette de bonheur.

https://www.youtube.com/watch?v=G0lRlainLZ8

Restons encore un peu  dans nos chères montagnes:


                                       L'éternel recommencement

                           "Les utilisateurs d'une culture qui ne se transmet que par le dit, ont difficilement conscience d'une évolution: leur connaissance expérimentale du passé ne remonte pas au-delà de deux générations, et toute démarche comparative est pour eux nécessairement limitée.
Ainsi on entend encore fréquemment de nos jours les phrases rituelles qui disent le mythe de l'éternel recommencement: lorsque dans les premiers jour de janvier je souhaite une bonne année acompanhada de força autras (accompagnée de beaucoup d'autres) à mes vieux informateurs du Sour, du Val d'Aran ou de la vallée de l'Oueil, on m'embrasse et on me remercie en n'oubliant surtout jamais de répondre par le rituel, propritiatoire et fataliste: Oc que son totas parelhas !
 (Oc, elles sont toutes pareilles!...)
Ce qui n'est d'ailleurs pas l'avis de tout le monde: il y a des années qui sont pires....
E, 1988, plusieurs informateurs ont émis la même opinion que Jeanne Pène (née en 1908) qui, après m'avoir fort courtoisement retourné mes voeux a ajouté, l'air sombre et le sourcil froncé:
"C'est une année bissestile (sic). Et les années bissestiles n'ont jamais été bonnes..." (Générest)"


Les quêtes du Nouvel An

                                           Les quêtes des enfants

                " Les quêtes collectives du groupe des enfants, sont évoquées pour l'amont des vallées où elles ont cessé en 1870.
Par contre, les quêtes individuelles adressées par ces mêmes enfants à chaque maison du village semblent avoir perduré assez tard.
A l'orée du Val d'Aran, à Bézins-Garraux:

                                                         Val d'Aran
"On passait par les maisons aller souhaiter la bonne année. On disait:"
La vos vengui sohetar bona e urosa ( je viens vous la souhaiter bonne et heureuse). Alors l'on vous donnait deux sous, l'autre trois sous, à l'époque, eh, eh" (Jean Dat, qui est né en 1909, parle des années 1910-1930).

Le sou, le sucre d'orge, le bonbon, ou l'orange n'apparaissent dans les étrennes qu'au début du siècle "en dernier temps, de notre âge" dit Baptistine Fourquet, née en 1900.
 Jusque là, en Barousse comme partout ailleurs dans le domaine montagnard, l'étrenne est uniquement alimentaire et provient nécessairement

                                              Mauléon -Barousse
de la production locale:
" des noix, des prunes, on donnait et ouais! "(Marius Sost, né en 1900).
Ou bien comme dans l'Aspétois:
"Les enfants faisaient le tour du village. Et pour étrennes on donnait des châtaignes, on donnait des noix, des pommes, enfin, un geste " (Marie Labat née en 1900)
                                                       l'Aspétois
Un "geste"...... Tout le monde est unanime: l'étrenne était forcément modeste dans ce monde de pauvreté. A Girosp "Il fallait être filleule pour se faire donner cinquante centimes. On marquait le passage.
" à Chein-Dessus dans l'Arbas:" Per aquel, iuna ménina balhava... un sous"(pour celui-là une grand-mère donnait .... un sou. Mais pas plus eh!
Les témoignages montrent que c'est seulement les " petitous qui allaient galoper dans toutes les maisons"

                                                          l'Arbas
Mais dans les villages des premières hauteurs et a fortiori dans ceux de la bordure du Pièmont, pas de quête systématique de porte en porte. S'il y eut autrefois quête collective (semble-t-il avant la Convention, éclatement des communautés de vallées) puis, au XIX ème siècle, quêtes individuelles sans toutes les maisons des villages, les récits montrent que la quête s'est limitée à une communauté rétrécie, celle qui entoure la "maison-souche" au moins depuis le
Second Empire. Dès cette époque, nombreuses sont les "maisons" qui ne laissent pas sortir les enfants pour aller quêter dans le village où, au XIX ème siècle s'accentue l'inégalité économique, une quête était assimilée à la mendicité, et la pratiquer aurait pu signifier que la maison était dans le besoin............................

"A nos autis, nos han cap jamès dishar her aco! Nosatis nani.
(A nous autres on ne nous a jamais laissé faire ça! Nous autres non. On allait chez les parents, voilà."
                                            Isaure

 Je rajoute quelques repères historiques:
 la Convention, nom donné à l'Assemblée constituante de 1792 à 1795, à laquelle  succéda la Première République.

Le Second Empire: 1852-1870.

Je trouve assez extraordinaire qu'en allant choisir dans mon importante bibliothèque relative aux Pyrénées  ce Calendrier Pyrénéen, je trouve précisément des textes qui intéressent particulièrement Nistosien, en allant le quérir, je ne m'en doutais absolument pas! .............le fil ténu des choses !!!!!
Merci pour ces voeux ! auxquels je suis très sensible!

lundi 29 décembre 2014

Parenthèse

 Le soleil fait son apparition à l'heure de midi; il me suffit d'aller sur mon pas de porte pour le voir, d'un peu loin, réchauffer les sapins.

 Peu à peu la neige fond

Tourterelles et mésanges s'affairent sur les dernieres graines que je leur ai servi

mais l'eau n'a pas dégelé

A l'intérieur le soleil toujours très bas, pénètre dans la maison en éclairant mes "dreamcatchers"





Le petit verre et la" bonne année"

                                                Louis Le Nain ( 1630)

        "Où que l'on soit dans le domaine commingeois et couseranais, depuis le Nistos jusqu'au St Gironais en passant par les vallées de Barousse, Pique, Larboust, Garonne, Job, Ger, Biros, Bethmale, Sous, Salat et les massifs de l'Arbas, de l'Aspétois et de Ballaguères, les informateurs expriment une même banalisation du Premier de l'An.

Dans le Haut-Job, pour le Premier janvier, on ne va pas plus loin que :
"souhaiter la bonne année aux gens un point c'est tout, ma pauvre", dit Michel né en 1900.
"Et prendre un petit verre par-ci et par-là et voilà" ajoute Marie, née en 1900.

La réponse est partout platement stéréotypée . Et encore le "petit verre" n'est-il pas propre au Premier de l'an; d'une façon générale, la relation conviviale entre adultes est concrétisée par  "le petit verre"  que ce soit pour manifester l'amitié ou pour honorer.
Héritage de la fonction symbolique de la boisson dégustée en commun...

De nos jours, seules les personnes nées jusque vers 1920-1930 échangent leurs voeux en gascon. Toutefois, un autochtone jeune formulera souvent ses souhaits en "patois", s'il s'adresse à une personne agée. Même s'il n'est pas capable de mener une conversation en gascon, il connaît fréquemment la phrase rituelle.
Ce qui est d'autant plus facile que celle-ci est la simple occitanisation de la formule française dès le début du siècle et largement répandue depuis les années cinquante:
"Que vos sohéti una bona anada bona e urosa"(Je vous souhaite une bonne année, bonne et heureuse).
Dans cette créolisation devenue fréquente, il y a eu adjonction du qualificatif "urosa" que l'on entend pas chez les personnes âgées.
Les informateurs nés jusque vers 1920 utilisent une formulation plus ancienne faisant, elle, allusion à la longévité:
"Que vos sohéti ua bona anada acompanhada de força d'autas ou "força autras"
( je vous souhaite une bonne année accompagnée de beaucoup d'autres)
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Les éventuelles variantes dans la formulation des voeux ont été effacées par le stéréotype "Bonne et heureuse ".
J'en ai relevé une seule qui soit attribuable au groupe et non à une fantaisie créative individuelle.
Dans le Nistos, à Générest, Jeanne Pène (née en 1909) aussi sèche, ridée et savoureuse que les pruneaux qu'elle suçait en filant la quenouille (pour appeler sa salive et lui permettre d'humecter, d'un coup de langue rapide, les fibres du lin qu'elle torsadait vivement entre pouce, index et majeur réunis) raconte avec le petit rire gloussé qui ponctue toutes ses phrases:
" On souhaite une bona anada acompanhada de un terrer d'autas"
Ici, on a un petit peu arrangé l'affaire et ils mettent des oies:
"un terrer d'aucas" ( un tas d'oies)
                                                                 Isaure


                   Je trinque avec vous, les amis !!
 souvenez-vous  de cette coutume très ancienne destinée à mêler les boissons qui s'entrechoquent dans l'hypothèse d'un poison versé... .


                                                                                 Isarde

dimanche 28 décembre 2014

Une pièce rapportée

 Première neige qui tient à 700 mètres sur les reliefs calcaires et dont je n'ai vu que quelques résidus dans les pots du jardin, à mon réveil. Si le soleil daigne revenir, j'irai peut-être prendre quelques photos. Pour l'instant c'est de la neige fondue qui tombe.
 Je pense que les amateurs de glisse  auront leur Premier Janvier sur la neige.

Je l'ai beaucoup été, amatrice de glisse, mais à mes yeux rien ne remplace la neige que les branches de sapin laissent glisser à votre passage, les traces des lièvres ou des chevreuils ou des mulots, où le silence règne, où il n'est point besoin de changer de trajectoire sans surveiller l'arrivée de bolides qui, eux, vont tout droit quoique il arrive.

Pour ma part je deviendrai citadine pour quelques jours. Je ne sais si vous l'avez remarqué, je vais plutôt à la mer quand les autres vont à la montagne et inversement......




                                      Une Pièce rapportée

                                      Un greffon souffreteux

        "Parmi les fêtes et célébrations calendaires traditionnelles dans les Pyrénées centrales gasconnes, il semblerait que le Premier de l'An soit une de celles sur lesquelles il y a le moins à dire. Car c'est une de celles sur lesquelles les Pyrénéens ont le moins dit.
 Il est un fait que lors de nos entretiens de coin du feu ou de coin du bois, les papès (grand-pères) et les (menhas) grands-mères sont souvent intarissables sur la Chandeleur, Mardi gras, le Premier Mai et bien d'autres jalons calendaires qui sont matière à récits empressés............................................................................
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Pourquoi cette pauvreté du rituel attaché au Premier janvier dans les Pyrénées vasconnes?
Sans doute parceque le Premier de l'An est ici une pièce rapportée. Un greffon resté souffreteux sur un tronc culturel avec lequel les dissemblances étaient plus nombreuses que les raisons de prospérer................................................................
Ce n'est qu'au seizième siècle, en 1564, qu'un édit de Charles IX reprit la structure de l'année julienne et plaça le début de l'année au Premier Janvier.
Le calendrier grégorien ne fut adopté en france qu'en 1582. Auparavant, au VII ème siècle, sous les Mérovingiens, l'année commença le 1er mars, puis le 25, à l'équinoxe. Sous Charlemagne et jusqu'à la fin du X ème siècle ce fut le 25 décembre. Sous les Capétiens, le premier de l'an fut celui de Pâques.
Dans le grand ballet calendaire, les Pyrénées gasconnes ignorérent longtemps la valse du Premier de l'An. Par contre, leur éloignement du gouvernement central, et leur relative autonomie jusqu'en 1793, favorisèrent la permanence d'un système calendaire organisé autour du découpage solaire et lunaire. On était loin, dans ces montagnes obstinément gasconnes, des volontés ordonnatrices de Jules César qui, en - 45, avait établi le calendrier qui porte son nom et placé le début de l'année où il  avait été fixé en -153, à savoir le premier janvier ( jour de l'entrée en fonction des consuls).
Le travail avait été accompli par l'astronome grec Sosigène, qui malgré son indiscutable talent avait fait une petite erreur de calcul en plaçant le solstice au 25 décembre. L'erreur fut rectifiée en 325 par le Concile de Nicée qui, toutefois, adopta le calendrier julien et donc le Premier janvier comme premier jour de l'année.
Convention apparemment ignorée aussi bien par les indigènes vascons et gaulois dans leur ensemble que par leurs envahisseurs.".....................................................

         Très riches heures du Duc de Berry : enluminure, le mois de janvier

samedi 27 décembre 2014

suite

                    Quand le soleil n'a pas rendez-vous avec la lune...

    "Les jours de marché à Castillon, Aspet, Mauléon,ou Luchon, il dut y avoir, au moins durant le siècle passé, des conversations parfois assez vives concernant les prévisions météorologiques annuelles, entre habitants du lieu et montagnards descendus des  hauts villages. Car le premier jour des" calendros" n'est pas le même pour la montagne et pour le piémont: pour les uns, c'est la Noêl, pour les autre c'est le Premier Janvier.

                                                   Pic Isarde (Htes Pyrénées)

La répartition géographique des deux interprétations est nette: dans la bordure du piémont, l'aval des vallées et les zones de passage, Marignac, Saint Béat, Montréjeau, Saint Girons, Moulis, le compte des Douze jours commence le Premier Janvier.
Dans les petites unités les plus élevées du Biros, de la Haute-Bellongue, de l'Arbas, du Ger, du Job, de l'Aran et des villages de la Haute-Pique, Larboust et Oueil, les Douze Jours commencent à la Noël, et se terminent aux Rois.
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D'ailleurs c'est le compte de la Noël à l'Epiphanie qui s'identifie logiquement au "cycle des douze jours" tel qu'il est défini par Van Gennep (Manuel de folklore français contemporain), pour d'autres régions de France (dans lesquelles on rencontre les mêmes hésitations quant au premier des Douze jours).
La fonction prévisionnelle météorologique des calendros, n'est pas propre aux Pyrénées. On la rencontre dans toutes les cultures traditionnelles d'Europe. Elle existait déjà dans celles de l'Antiquité, depuis l'Inde védique jusqu'à Rome.
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Par contre on ne retrouve pas dans la Haute-Gascogne, pas plus, d'ailleurs, que dans l'ensemble rural français, les Fëtes des Fous de l'Europe urbaine médiévale, ces douze jours d'inversion des valeurs où les serviteurs commandaient aux maîtres, les enfants aux adultes, où l'on se couchait à l'aube pour se lever le soir et où la morale traditionnelle était systématiquement niée en des défoulements érotico-scatologiques.............................................................................................

L'inversion et les "rites de retournement" vont venir mais ce sera plus tard, à Carnaval.
Il y a pourtant une indiscutable identité originelle entre les Douze Jours des Pyrénées gasconnes et ceux de n'importe quel autre point de l'Europe: ils permettent de remonter le poids des douze mois écoulés et de raccorder l'année solaire et lunaire, écrivent Gaignebet et Lajoux dans Art profane et religions populaire au Moyen Age. P.U.F.
Les Douze Jours sont en effet le résultat de l'observation de la discordance entre la durée de l'année solaire et celle de l'année lunaire: une différence de douze nuits, soit onze jours un quart.

Le solstice est vécu comme un repère premier, un point clé qui ferme une porte pour en ouvrir une autre. Dès lors, la voie ouverte dans la sinusoïde de Chronos, et qui part du creux du solstice d'hiver, monte pendant six mois un peu plus chaque jour jusqu'à atteindre le maximum solaire du solstice d'été."

http://www.20minutes.fr/insolite/1506967-20141226-video-nasa-filme-plus-grosse-eruption-solaire-jamais-observee

vendredi 26 décembre 2014

Les calendrous




                                                 Les Douze Jours

                                          25 décembre au 5 janvier

"Un jour d'hiver clair et glacé, un de ces jours où la montagne du Nistos éblouit par ses blancs et ses bleus, nous sommes repliés dans la cuisine chaude, mais pas trop, de Jean Artigues (né en 1918).
Jean vient d'aller chercher un petit morceau de papier à lettres griffonné au crayon et qui était punaisé sur le calendrier des P. et T. accroché près de la fenêtre.
Il le dépose avec soin sur la table et s'assied sans se presser.
Puis, posément il explique. Et, à côté du papier,  son gros doigt craquelé joue les crayons sur la toile cirée:
"Le premier Janvier il faisait beau. On marquait:"beau"
 C'est à dire qu'il allait faire beau tout le mois de janvier.
Les douze premiers jours de l'année correspondaient aux douze mois de l'année.
les calendrous, quoi.
Eh bè, comme ça, on savait le temps qu'il ferait. ça c'est véridique.
Jean tapote son papier, sûr de lui et de la science des Vieux.
Mais pouquoi donc a-t-il parlé à l'imparfait? Car cette année commes les autres, il n'a pas manqué de noter soigneusement le temps qu'il a fait pendant les calendros (prononcé;"calendrous") du premier au douze janvier.
Comme tout le monde, Jean regarde la télévision. Et bien sûr le bulletin météorologique. Mais il reste, devant la météo méfiant, dubitatif et critique.
"Comment ils peuvent savoir que demain il va faire orage et tout ça" ?
...et son évaluation personnelle donne l'avantage aux Douze Jours dont la fiabilité est, à ses yeux, bien supérieure à celle de la Météorologie nationale.
Le papier annoté avec application qu'il vient  d'aller remettre à sa place le prouve......"

 Et si on essayait? de voir ce qui va se passer chez nous ? 
                     J'ai des doutes, mais pourquoi ne pas tester cette méthode ?