mardi 23 décembre 2014

Une belle histoire de Noël

 Je descendais ce soir d'une montagne où la neige a oublié de tomber, avec l'espoir de trouver un peu de houx, las !  buis et églantier ne pouvaient le remplacer.
 De-ci de-là, les  quelques pommiers dépouillés de leurs feuilles attiraient mon regard,
  
              les rouges,

               les jaunes

             les jaunes et rouges


Je croise alors un petit monsieur sur son tracteur qui se dirigeait vers le village je remarque qu'à ses côtés dans une petite caissette débordaient des branches de houx, ce qui me conforte dans l'idée que je peux aussi  en trouver par là.
 Et je m'embarque sur une route improbable qui m'offre de beaux points de vue sous un soleil finissant, aucun houx à l'horizon mais cette route ne débouchant que sur un chemin bien mauvais,  je fais demi-tour et me trouve nez à nez avec le tracteur que j'avais rencontré dans la vallée, n'y résistant pas,  nos deux véhicules côte à côte:

 S'il vous plait, Monsieur, où avez-vous trouvé votre houx ?

Il se tourne alors vers sa caissette  à sa droite, celle de gauche laissant apercevoir quelques paquets joliments emballés, il choisit quelques branches de houx, des plus belles et me les tend en me disant "Je vous les offre de bon coeur"

" Joyeux Noël à vous! c'est trop gentil !Grand Merci!

"Joyeux Noël à vous aussi !

J'ai placé ce cadeau au plus bel endroit de la maison.

              Ne croquez pas les pommes que je vous ai offert!



Le pain bénit de Noël



       
                 "Rien ne valait, pour préserver les bêtes, le capital premier en ces pays d'élevage, le pain bénit de Noël. A la fois préventif et curatif du Mauvais comme du Méchant, le pain bénit pendant la messe de Minuit a des vertus supérieures au pain bénit ordinaire.

"Avant l'Avent, il fallait faire "la moulue", qu'on appelle, faire moudre tout le blé.
On en prenait deux sacs, trois, craignant, parce qu'il  y a des années qu'il a beaucoup neigé, craignant que le meunier ne puisse pas monter.
Et après il fallait faire la fournée. C'était la fournée de Noël, celle-là.
On donnait un peu de pain pour le pain bénit de l'église.
 La moitié, c'était pour le prêtre" (Bertrande Cazes  née en 1885, Arbon

Germaine Saurat (née en 1901) précise comment, dans le Haut-Ger:

    "C'était maison par maison (chaque maison offrait le pain à tour de rôle). Y avait des sacristains à l'église.
Ils avaient une corbeille avec du linge, propre, quand même. Ils le coupaient, le pain, rond comme une marque.
Et y en avait un morceau coupé assez gros pour que la maison qui avait donné le pain l'offrait à l'autre (celle qui avait offert le pain l'année précédente)"

L'échange du morceau de pain est mentionné également dans l'Arbas, le Haut-Job, et l'Aspétois et la Bellelongue.
     "Le curé bénissait le pain coupé en morceaux et y avait deux hommes pour passer avec ua gran apistera atau  (une grande corbeille comme ça) et avec un torchon, avià aquiu pan senhath, ( il y avait là le pain bénit )."

in live, premiers jours de gel, la frange des feuilles se glace et la païchère fume, l'eau est plus chaude que l'air.

http://www.mairie-palaja.fr/fichiers/mairie-palaja.fr/images/sites_a_visiter/paicheres_bulletinSESA_2012.pdf
( à Belesta il y en a dix )
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reprenons notre récit 

 "Les vertus du pain bénit sont unanimement mentionnées. Celle de l'aïl, issues du monde parallèle, car non-christianisé, de la recette de type magique, sont moins connues. De même que la rosée de la Saint Jean renforce les forces curatives des plantes, la nuit de Noel est le catalyseur des qualités apotropaïques de l'aïl, incomparablement efficace, d'après les utilisateurs, pour écarter infailliblement les forces mauvaises:

"Y avait le vieux Tèbé, il disait:"Si tu veux pas que les podoeras (sorcières) viennent, tu attrapes un aïl, mais alors un aïl entier, là, et le soir de la messe de  minuit tu le mets sous le traversin" (Marie Fontas, née en 1895, Couillas)



lundi 22 décembre 2014

Le Réveillon des"bêtes"

Un nouveau chapitre qui va vous surprendre suivi de l'étable interdite, coutumes que j'ignorais.
Au premier congrès international d'ethnologie, en 1971, l'ethnologue Mihaï Popp
montre que deux types de cultures coexistent en Europe.
La culture "grammaticalisée"dite "contemporaine" par laquelle les utilisateurs ont une conscience théorique précise des codes, lois et règles.
Et des cultures plus anciennes, dites" traditionnelles" que leurs utilisateurs vivent telles qu'elles sont et parce que elles sont, sans la moindre démarche analytique: ce sont les cultures"non grammaticalisées".



            "En ces pays d'élevage, le bétail est le bien le plus précieux.
il était donc, et est encore fréquemment associé au repas rituélique du soir de la Noël. En Bethmale:
"En principe, on leur donne un peu plus. On force la dose! On leur fait le réveillon." (Marcel Dupuy, né en 1914)
Dans le Haut-Sour, Jean Francoite ( né en 1906) étend le repas festif à toute la population animale de la ferme:"Le soir de Noël, il fallait faire bien souper les chiens, les poules, les cochons, les vaches. Surtout les vaches, eh!... et on leur mettait une bonne "palhada" (litière).....................................................................
Ce  comportement rituélique qui fut, et reste, actif, est la synthèse, dans le même geste, de signifiances diverses.
Le thème pré-chrétien de l'offrande et celui, plus tardif, des bibliques boeufs de la crèche, s'entremêlent en une synthèse qui est aussi une re-création.
Le processus est fréquent dans toutes les stratifications culturelles."Il fallait soigner les bêtes, ça, je l'ai entendu encore l'autre jour".

" On disait que le Bon Dieu venait les visiter pour voir si elles étaient maltraitées ou quoi" (Jean Boué, né en 1920, Arbon).
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Sous-jacent, mais présent partout, le thème de l'anthropomorphisation des animaux de l'étable est encore vivace.
Le thème central du récit légendaire liè à l'étable pendant la nuit de Noël est partout le même. On peut le diviser en trois sous-thèmes:
  - les bêtes parlent la nuit de Noël dans l'étable
  - il ne faut pas aller les écouter;
  - celui qui transgresse l'interdit est puni.
Ce récit, typique de ceux-nombreux qui énoncent le seul interdit, est complété dans les autres cas par une séquence où est décrit le chatiment:

"Il y avait un monsieur, chez qui c'était ?... d'Isaut, qui se vantait d'être rentré à l'étable la nuit de Noël. Et trois semaines après, il était mort!
Il s'était fait tuer par des vaches, avec la charrette."



Le Comminges aspétois, l'axe Garonnais, la Barousse, le Nistos et les premières hauteurs qui dominent la plaine de piémont commingeoise donnent fréquemment une version plus étoffée dans laquelle une séquence supplémentaire s'intercale entre celle de l'interdit et celle du châtiment pour celui qui est entré dans l'étable la nuit de Noël.

: "Soi-disant que cette nuit-là les bêtes parlent. Dans l'étable y avait une paire de boeufs. Un homme de chez Gaudesin a voulu y aller quand même. Il a entendu une bête qui disait:
"Deman que vam her?
  "Deman, que vam enterrar eth mestre"

(Demain qu"allons-nous faire ? Demain nous allons enterrer le maitre)

 et le lendemain  l'homme est mort."



     C'est pas drôle tout ça!!!
Un petit clin d'oeil à TV izard que j'ai rencontré récemment au festival du Film de Montagne à St Pierre de Rivière, encore un amoureux des Pyrénées!!
https://www.youtube.com/watch?v=PHMWj0DQuZ8

dimanche 21 décembre 2014

autre coutume

Je fête aujourd'hui le quatrième Dimanche de l'Avent

 de la cuisine




 au salon

 et en musique

Jeux d'orgue

https://www.youtube.com/watch?v=47eg1G7Ai3I


Sur la couronne, on place quatre bougies.
Chaque dimanche de l'Avent, on en allume une de plus. Plus la fête approche, plus il y a de lumière.

Les quatre bougies allumées sont le symbole de la lumière de Noël qui approche et qui apporte l'espoir et la paix.

samedi 20 décembre 2014

La Bûche de Noël


La "Bûche" de Noël: le Relais luni-solaire

          " Dans la tradition orale, les souvenirs mal reliés entre eux d'une culture sur son déclin, induisent des variations d'une vallée à l'autre quant à la durée de combustion du soqueth.
Le soqueth est improprement traduit de nos jours par le mot: "bûche" ce qui se comprend si l'on considère que, en effet, depuis les années cinquante, il est remplacé dans les cheminées par une bûche.
En fait, la soca, ou le soqueth, son diminutif, est la souche de l'arbre, la partie inférieure du tronc et ses racines, à savoir l'ensemble qui demeure en terre après que l'arbre ait été abattu.

Après l'avoir arrachée, on mettait cette masse à sécher pendant plusieurs mois, afin qu'elle soit prête pour le soir de la Noël.
Le fait que le soqueth ait une forme massive et non celle allongée, d'une bûche, ralentissait la combustion et permettait à celle-ci de durer pendant plusieurs jours................................................................................................................

Dans le Nistos, sur les franges du Comminges et de la Bigorre, le geste coutumier montre qu'on ne sait plus très bien lequel, du solstice ou du premier janvier, est le Premier de l'an.
Eth hoqueth (prononcé "et tchouquet"  par addition abusive de l'article) établit le raccord entre les deux:
"Eth hoqueth, il fallait pas qu'il s'éteigne, il fallait qu'il dure jusqu'au Premier janvier.
Alors qu'est ce qu'on faisait? On le reculait, le matin de la Noël. Puis on le mettait un petit peu tous les jours, et il fallait qu'il dure jusqu'au Premier de l'an." (Jeanne Pène, née en 1909, Générest)
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Dans la belle ferme de Ruau, agrippée en son splendide isolement au-dessus du Clot det Tou, là où l'horizon, de crête en sommet, n'en a jamis fini d'être lointain, et la terre, de gouffre en gorge, n'en finit pas d'être profonde, le récit de la préparation du soqueth est l'occasion d'une petite mise au point entre époux.

http://www.youtube.com/watch?v=-8yggDnbJdo

La christianisation de la bûche par une croix gravée sur l'écorce, bien que donnée souvent au passé, est encore fréquente:
"Avec le couteau, comme ça une grande croix, voilà.
Et tout le monde était content!"
Laurent Saint-Martin, né en 1915
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La bûche de Noêl a encore une grande actualité, renforcée, d'ailleurs, par la mode "occidentale" mais est conditionnée par l'existence d'une cheminée.
Pouvoir y mettre la bûche de Noël, quand on n'a que le feu de bois pour se chauffer, est ressenti comme une revanche, voire une supériorité sur ceux qui bénéficient du chauffage central et ont fermé la cheminée:
"On le fait encore, nous, eh! les jeunes vont à Tournay, chez la mère de ma belle-fille, eh, dans les Hautes Pyrénées. Bé, eux, ils peuvent pas, ils ont tout de moderne! Mais moi et mon mari, on met la grosse bûche, eh!
(Arguenos, 1983)"

                     http://www.youtube.com/watch?v=bAF866z_D_Q
                                         


La Daube

Lorsque Isaure fait mention du début du siècle il s'agit bien sûr du 20 ème  l'édition de ce livre datant de 1995.
 On est loin de la traditionnelle dinde anglo-saxonne!!
  
        "Les récits s'étendent tous avec complaisance sur le réveillon de Noël qui a laissé le souvenir d'un moment agréable, car, en tant que repas de fête, il s'élevait quelque peu au-dessus de la modestie alimentaire quotidienne.
D'abord, quelle que soit sa composition, il était un repas de plus. Cette seule caractéristique suffit à le faire regretter. Ensuite, il comprenait de la viande, denrée peu présente dans le menu quotidien de ces vallées où, jusque dans les années trente, on s'est nourri de céréales et de laitages.

La composition du réveillon évolue avec le temps, à partir du siècle la nourriture se diversifie, et varie avec l'économie des vallées et, dans celles-ci, des maisons .
En Comminges, on évoque souvent la daube que l'on mettait à mijoter devant le feu où rougeoyait le "souquet" et dont on se régalerait en rentrant de la messe de minuit
:"Le soir de Noël, quand on avait mangé, on allumait le "lutornau" (bûche de Noël, dans le Nistos) avec la daube qui cuisait devant.

(Je reviendrai plus tard sur cette bûche qui évoque pour nous les bûches patissières à la crème au beurre !!!
Si on l'appelle lutornau à Nistos  c'est ailleurs le soqueth ou la soca et c'est une souche d'arbre dont la combustion peut durer tout le temps de Noël)

       Cette daube rituelle, qui est l'exception, le luxe alimentaire, est pourtant faite avec la viande du pauvre: les bas morceaux du boeuf...................................
Voici, pour les franges du Nistos et de la Haute-Garonne, celle de Rose Bertin (nèe en 1923):
"La veille, il faut mettre à macérer les carottes, l'oignon, l'aïl, et puis les herbes, le laurier,le thym et tout ça pour donner du goût, quoi, dans du vin.
Le vin bon, quand même, eh. Et puis le lendemain il faut vider l'oule, vous le jetez pas, le vin, eh!
et puis vous passez à la poêle, à roussir, les carottes, l'oignon, mais dans la graisse d'oie, eh ! et puis vous l'enlevez, vous vous le mettez de côté et le vin, eh !
vous lui faites perdre l'alcool.
A bouillir. Et puis tout, vous le mettez dans l'oule.

Et la viande vous la coupez en petits morceaux; et la passer à la poêle, mais pas trop, quoi. Et du lard, aussi.
Et y en a, ils y mettent le pied de cochon, aussi.
Et puis tout à cuire, mais doucement, eh ! Devant le feu. Oooh! trois ou quatre heures, même, que c'est bon quand c'est cuit en y mettant le temps...
Et puis un quart d'heure avant de manger, prendre un peu de sauce pour épaissir avec la farine.
On la fait plus depuis quelque temps.
Oh, j'y avais la main, oui!"
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La daube, c'est l'opulence, relative de la polyculture : c'était au-dessous de Labroquère dit Pierre Barrère ( né en 1912, Cier de Luchon), parfaitement renseigné, pour le Haut Comminges, sur la géographie de ce plat dont il dit avoir rêvé quand il était jeune.

A Luret, :"Nous autres, la pauvre maman, pour Noêl, en rentrant, elle faisait des pescajous (crèpes). Et on buvait du cidre... Y avait un poirier, en face, qui avait beaucoup de poires et on faisait du cidre (Joséphine Barrère née en 1903)

Je ne sais s'il y a encore sur le web ce livre que j'avais écrit il y a quelques années qui montre bien la pauvreté de ces montagnes.

Eh ! bien si! il y est encore
                                               http://www.annemariedambies.com/

Mon Dieu! j'étais bien jeune dans le maniement de l'ordinateur j'avais même oublié de justifier !!! soyez indulgents  !!!

vendredi 19 décembre 2014

Marcher, manger et veiller ensemble

                                       https://www.youtube.com/watch?v=-wu9q-bR3Mw

Je poursuis  la lecture des
  Rites, coutumes et croyances dans la tradition orale du Comminges et du Couserans, d'Isaure Gratacos.

"La relation de voisinage et la convivialité villageoise sont tout de même présentes dans la fête solsticiale de l'hiver par le biais de la christianisation:
la messe de minuit était, avec le réveillon, un des deux grands axes de la soirée de Noël.
Activité de groupe, elle avait un caractère festif qui émane de tous les récits.
Jusque dans les années1930:
"Le soir de la Noël, ceux de la Traverse, on allait à Moulis, (16 kilomètres aller et retour) qu'il y ait de la neige ou qu'il n'y en ait pas, on partait l'un devant l'autre, on allait à la messe à Moulis. Et on était contents!"
On attendait ce soir là pour y aller.(Lucie Antras née en 1912)

"Oh, nous autres, on était à 6 kilomètres d'Aspet, au-dessus, Razecueillé, là. Quand on pouvait, quand y avait pas trop de neige, on descendait à la messe de minuit" (Marguerite Soum, née en 1923, Arbon).

Les informateurs agés insistent tous sur le fort enneigement au début du siècle:

"Pour Noël y avait de la neige, oh, pauvre, à ne pas pouvoir passer!

(Petite parenthèse dans ce récit, nous avons sur le Plateau de Sault (11) au-dessus de Belcaire, la Croix des sept frères, tous partis les uns après les autres dans la tourmente, au secours de leur frère disparu, et tous engloutis dans la neige).

Lorsque le trajet jusqu'à l'église était court et ne suffisait pas à remplir la soirée, l'attente de la messe se faisait entre voisins, en une veillée amicale où l'on racontait des histoires:
"Quand j'étais petit, le soir de Noël, par exemple, on racontait, avant d'aller à la messe, les"hadouns", les "hados", les fées.(Montserrier, né en 1905, Saint-Pé d'Ardet)
Et dans le Biros:
"Oc, on chantait, eh, mais comme ça, entre voisins, en famille, eh. Y en a, ils racontaient des histoires"(Hélène Estrémé, née en 1925, Estéou d'en haut)

Dans la Barousse, à Ferrère, "Y en a, ils étaient bons pour ça".
Y en avait une, Fifina, ço de Pève, bon diu! Les gosses, on aimait ça, et même tous, elle racontait, là, la tuta deras hadas (grotte des "hados), là, et la peira deth Hiter (la pierre du dressé= le menhir).

On veillait jusqu'à onze heures-minuit et on allait à la messe de minuit, entre voisins.
Et puis, après, en revenant, eh, on faisait un réveillon.

                        https://www.youtube.com/watch?v=DPJ1s0I42Ak