"Rien ne valait, pour préserver les bêtes, le capital premier en ces pays d'élevage, le pain bénit de Noël. A la fois préventif et curatif du Mauvais comme du Méchant, le pain bénit pendant la messe de Minuit a des vertus supérieures au pain bénit ordinaire.
"Avant l'Avent, il fallait faire "la moulue", qu'on appelle, faire moudre tout le blé.
On en prenait deux sacs, trois, craignant, parce qu'il y a des années qu'il a beaucoup neigé, craignant que le meunier ne puisse pas monter.
Et après il fallait faire la fournée. C'était la fournée de Noël, celle-là.
On donnait un peu de pain pour le pain bénit de l'église.
La moitié, c'était pour le prêtre" (Bertrande Cazes née en 1885, Arbon
Germaine Saurat (née en 1901) précise comment, dans le Haut-Ger:
"C'était maison par maison (chaque maison offrait le pain à tour de rôle). Y avait des sacristains à l'église.
Ils avaient une corbeille avec du linge, propre, quand même. Ils le coupaient, le pain, rond comme une marque.
Et y en avait un morceau coupé assez gros pour que la maison qui avait donné le pain l'offrait à l'autre (celle qui avait offert le pain l'année précédente)"
L'échange du morceau de pain est mentionné également dans l'Arbas, le Haut-Job, et l'Aspétois et la Bellelongue.
"Le curé bénissait le pain coupé en morceaux et y avait deux hommes pour passer avec ua gran apistera atau (une grande corbeille comme ça) et avec un torchon, avià aquiu pan senhath, ( il y avait là le pain bénit )."
in live, premiers jours de gel, la frange des feuilles se glace et la païchère fume, l'eau est plus chaude que l'air.
( à Belesta il y en a dix )
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reprenons notre récit
"Les vertus du pain bénit sont unanimement mentionnées. Celle de l'aïl, issues du monde parallèle, car non-christianisé, de la recette de type magique, sont moins connues. De même que la rosée de la Saint Jean renforce les forces curatives des plantes, la nuit de Noel est le catalyseur des qualités apotropaïques de l'aïl, incomparablement efficace, d'après les utilisateurs, pour écarter infailliblement les forces mauvaises:
"Y avait le vieux Tèbé, il disait:"Si tu veux pas que les podoeras (sorcières) viennent, tu attrapes un aïl, mais alors un aïl entier, là, et le soir de la messe de minuit tu le mets sous le traversin" (Marie Fontas, née en 1895, Couillas)