L'île au trésor fut le premier livre sans images que je dévorai, et qui me le rendit. La disparition des images fait un bien immense à l'imaginaire ; sans aucun doute, le vélo dont parle Paul Morand fut pour moi ce roman de Stevenson. La famille Mahuzier prit le relais ; je perdais en littérature, soit, mais je gagnais en kilomètres. Grâce à eux je fis dix fois le tour du monde sans bouger de la chambre que nous partagions à quatre (Xavier de Maistre avait bien de la chance).
J'ai depuis dessiné de nombreuses cartes, réelles, imaginaires ou tendres. Ma plus grande excursion à ce jour fut celle entreprise au sein du navire amiral MAC (Lyon) ; une Géographie à l'usage des gauchersde plus de quatorze mois, dans le secret des soutes, sous les regards confiants et attentifs de deux Thierry, Raspail et Prat.
La Chambre vermillon qui n'a rien à voir avec les Secrets de la mer Rouge, n'existerait pas sans l'aventure lyonnaise ; en effet c'est dans ce musée inouï que je réalisais ma première installation. Je n'aime guère ce genre de démonstrations, en général plus volumineuses que lumineuses, mais je dois avouer que c'est assez drôle à réaliser et suffisamment spectaculaire pour qu'on se compromette temporairement.
Elle fut imaginée en 2007 au château de Villeneuve à Vence, lieu magique à l'époque. J'avais grâce à mon séjour au MAC, observé que je pouvais créer en dehors de ma ville natale... Ce que je fais depuis cette date.
"Mon premier atelier n'était pas plus grand que cette table, j'avais peint le sol en blanc pour attirer la lumière dans ce fond de cour. Pourtant ce n'est pas là que sont apparus les cinq dessins au stylo-bille qui changèrent ma vie. Ces derniers naquirent en août 1980 dans le secret d'un garage anodin, comme les Beatles, Apple et quelques autres.
En revanche c'est dans ce lieu magique que j'ai découpé et composé mes premiers collages : Champ de choux-fleurs à Chambourcy, 30 mai, Bataille d'Athérines, etc
C'est dans cet atelier, surtout, que se fit ma première rencontre avec Bernard Ceysson. Vous l'aurez perçu, ce lieu frôlait le minuscule, aussi est-ce assez logiquement que ce prestigieux conservateur écrasa mon unique sculpture sur épingles, malicieusement installée au sol pour l'impressionner !Forts de ce premier contact, une sorte de "Paraboot-pacte" se scella entre nous. Jacques Beauffet vint nous rejoindre quelques minutes après l'impact. Nous étions en 1981, 19 rue St jean, Saint Etienne (42)
A quelques pas de là se trouvaient les Beaux-Arts ; il me faudra six mois de patience et un brin de ruse pour rencontrer Daniel Abadie qui y donnait_ sans notes_ des cours magistraux. Avec l'audace qui sied aux parachutistes débutants, je me permis de lui soumettre furtivement un travail dont l'importance à mes yeux n'avait d'égal, je le crains, que son gigantesque inintérêt. Je crois que mon culot naïf et souriant l'étonna ; avec une gentillesse véritable, une finesse exceptionnelle teintée de son ironie ravageuse, il réussit en quelques minutes à désarmorcer le conceptuel forézien qui naissait en moi. Ce fut une des rencontres les plus déterminantes de ma vie.
Daniel Abadie est un des rares, avec Bernard Ceysson, Guy Tosatto et Thiery Raspail, qui crurent en moi dès le début et jusqu'à aujourd'hui. Je leur dois d'être ici, comblé par la force que leur confiance m'a donnée, honoré par les prestigieuses expositions qu'ils m'ont offertes et bouleversé à tout jamais par leur indéfectible amitié."